Interview Jean-Fançois Delibes

26 avril 2020 Par Christophe Paupard

Quand a commencé la photo pour toi et dans quelles circonstances ?

J’ai découvert la photo vers l’âge de 10 ans de façon anecdotique.
J’adorais trafiquer les produits chimiques en cachette de mes parents et un jour j’ai trempé les doigts dans une solution de nitrate d’argent. A la fin de la journée ils étaient bruns foncés ! Mon père m’a expliqué que le nitrate d’argent brunissait à la lumière, que c’était dangereux et qu’il ne fallait plus y toucher !
Mais voilà, je trouvai ce truc trop bien et j’ai commencé par en étaler sur des feuilles de canson, puis j’ai posé des choses dessus, feuilles mortes, fleurs, insectes, cheveux … et le soir après exposition au soleil j’avais des photogrammes ! (je ne connaissais pas le terme à l’époque).
Ensuite j’ai continué avec des vieux négatifs 6 x 12 trouvés dans des tiroirs ! Puis j’ai fabriqué mon premier appareil photo avec une boite à chaussures et un trou (sténopé). Je trouvais toutes les infos dans le dictionnaire Quillet en 4 volumes, ma bible ! Pas d’internet à l’époque !
Malheureusement il fallait conserver tous les tirages bruns à l’ombre. J’ai alors trouvé les formules des fixateurs… toujours dans mon dico magique !
Puis comme j’aimais bien fouiller dans les poubelles j’ai déniché un vieux 6 X 9 à soufflet que j’ai réparé. Premiers vrais développements dans le noir avec des bacs improvisés dans des boites à sucre en plastique. J’avais alors 14 ans.
Ensuite ce fut le lycée et son super labo photo, les premiers reportages (foot et rugby !), les premiers portraits, le premier reflex … ça y est j’étais vraiment mordu ! Je passais mon temps dans le labo. C’était le seul endroit où l’on pouvait fumer tranquillement et emmener les copines pour regarder ensemble les photos qui apparaissent lentement sous la lumière rouge ! Magie de l’argentique et de toutes les expériences ! Plus tard ce furent les voyages, l’illustration, les expos et Poussière d’Image !

Quel est ton domaine photographique de prédilection ?

Après avoir réalisé beaucoup de photos de paysages et de reportage, j’aurais envie de travailler le portrait en studio. Pourquoi pas aussi les natures mortes. Un mélange des deux …

Quelle est ton approche photographique ? As-tu un ou des « maitres » ?

Quelle que soit la photo que je réalise elle reflète de toute façon mon état émotionnel du moment. J’essaie de transcrire mes sentiments pour les partager à travers mes photos. Les modes ne m’intéressent pas.
Je cherche uniquement à me surprendre et à me satisfaire. Je suis heureux quand je peux dire en regardant une photo ou une série terminée : « ça y est, c’est fini ! ». A ce moment-là je peux passer à autre chose.
J’ai en quelque sorte « réglé » quelque chose en moi. Peut-être chez le spectateur aussi, qui sait …

J’ai beaucoup étudié les photos de Raymond Depardon, Robert Doisneau, Annie Leibovitz, Steve McCurry, Sebastião Salgado et aussi de différents collectifs « créatifs » comme « Tendance Floue » par exemple…

As-tu trouvé des différences dans les photos reçues pour ce E-Marathon avec celles par exemple du Marathon 2019 ?

Je n’ai pas autant regardé les photos 2019 que celles-ci, bien sûr ! Mais il me semble que le confinement a eu un effet créatif, une recherche du bizarre, une immersion dans le monde intérieur …

Comment aurais-tu traité le thème de ce E-Marathon 2020 ?

J’aurais essayé de travailler la composition et la lumière de façon à ce que le regard du spectateur soit attiré vers l’intérieur de l’image et qu’il découvre quelque chose, à cet endroit-là, à ce point de force, qui représente mon état émotionnel de confinement. Une ombre, une silhouette, un objet, une forme …