Interview Nico Toulouse

10 juillet 2021 Par Christophe Paupard
Nico Toulouse
Nico Toulouse- Autoportrait
copyright Nico Toulouse

Nicolas PAGÈS qui êtes-vous ?

Nico, dit Nico Toulouse au niveau du pseudo dans le domaine de la photographie. Toulousain de naissance (1971), pur et dur, je suis un toxico à la photographie que je pratique pour l’instant en tant qu’amateur depuis 15 ans.
Avec l’aide d’une dizaine de passionnés, j’ai lancé en 2007 l’association photo Poussière d’image.
Après en avoir été le Président, puis Trésorier et enfin Secrétaire, me voilà simple adhérent depuis la fin 2020. J’ai décidé de lâcher du lest au niveau de toutes ces responsabilités afin de me concentrer, aujourd’hui, sur mes projets photographiques et au Collectif 24/36, composé de 8 photographes: Carmen Legros, Laura Puech, Vanessa Madec, Sandra Grampfort, Frédérick Lejeune, Philipe Pérani, Daniel Boyé et moi-même.

Quand avez-vous commencé la photo et dans quelles circonstances ??

Quand je raconte comment j’ai commencé la photo, on me répond toujours “whouaa, c’est magnifique !”.

Comme quoi des ruptures sentimentales peuvent être un mal pour un bien, puisque c’est suite à une rupture sentimentale que je me suis mis à la photographie en juin 2006. Afin de me sauver des conséquences morales désastreuses et de sortir de cette déprime sentimentale, il fallait me vider la tête et me changer les idées en me forçant à pratiquer une activité m’étant totalement inconnue. Pour cela, un jour de juin, j’ai décidé de rentrer dans la première boutique qui se présenterait à moi, se trouvant sur une place commerciale d’une banlieue toulousaine… Ce fut une boutique spécialisée dans la vente de matériel photographique. J’en suis donc ressorti avec un appareil photo, un reflex numérique Canon 350D.
Cela aurait pu être une boutique de couture, j’en serais ressorti avec une machine à coudre!  Le hasard a fait que la Photographie devait être ma bouée de sauvetage.
Et cela a été le cas, encore plus que mes espérances ! Avant cela, je ne m’intéressais pas du tout à cet art visuel. La seule fois que j’avais utilisé un appareil photo, je devais avoir 10-11 ans et c’était le polaroïd de mon père, un jour de vacance à la plage.
Même le fait de regarder seulement des clichés ne m’attirait pas. Donc je suis parti totalement de 0 : 0 culture, 0 technique. Après avoir loupé toutes mes premières photos, avec beaucoup d’abnégation, j’ai fini petit à petit par réussir quelques clichés, du moins au niveau de leur netteté, et en mode manuel.
Totalement autodidacte et solitaire, j’ai vite compris qu’il fallait que je m’entoure de passionnés pour apprendre plus vite et partager des moments conviviaux. Grâce à Poussière d’image, j’ai pu rencontrer des amoureux de la photo vraiment passionnants et enrichissants. Très vite, la Photographie est devenue pour moi une passion dévorante, je dirais même une drogue. Aujourd’hui, ma vie ne tourne qu’autour de la Photographie et je l’assume complètement. Pour rien au monde, je voudrais que cela ne change. Je vis Photo, je pense Photo. Non stop, 24/h24. 

Avez-vous un domaine photographique de prédilection  ?

Ma photographie de prédilection est celle qui sort de l’ordinaire, des sentiers battus, tout en essayant de véhiculer un message ou de témoigner d’un fait sociétal ou d’œuvrer pour une cause ou de dénoncer une injustice.
Dans mon style souvent décalé, parfois engagé, j’essaie de sortir des clichés qui peuvent questionner au-delà de la photographie et/ou déranger les consciences.
Je tiens à préciser que la nudité tient une place importante dans ma démarche photographique. Dans le but de servir mes intentions et particulièrement celles qui dénoncent un fléau sociétal, j’utilise la nudité pour désociabiliser ou déshumaniser l’humain, souvent dans des positions improbables ou morbides afin de le rendre victime, lui le seul responsable, du fléau en question.
On va dire que j’ai un faible pour la photographie humaniste : l’humain et ses joies, l’humain et ses démons, l’humain et sa nudité, l’humain et ses émotions, l’humain et ses dérives, l’humain et son histoire, l’humain et sa vie.
Par la photographie, je m’exprime, sans état d’âme, sans concession, sans « langue de bois » ou plutôt sans « œil de bois », tout simplement.

Avez-vous un(e) photographe préféré(e) ?

J’en ai plusieurs, mais si je devais n’en citer qu’un seul cela serait Jan Saudek,
photographe tchèque, aujourd’hui âgé de 86 ans. Son œuvre est plutôt controversée, totalement politiquement incorrecte. Elle dérange. Il dérange. J’adore.

Quel est votre coup de cœur pour ce marathon ?

Mon coup de cœur est la photographie de Stephan ROUSSEL, la chaussure qui flotte dans l’eau ( 1ère du thème 2 ). Elle prend totalement à contrepied la grande majorité des clichés reçus du thème “Au fil de l’eau”.
Outre le fait d’être techniquement réussie, même si cela, est toujours un critère non significatif dans mon analyse photographique, elle est esthétiquement belle. Et paradoxalement, son sens n’est pas positif, il est négatif, puisque cette photo, par son sujet, par sa composition, dérange et pose question.
Le sujet représente une scène polluante que nous n’aimerions plus voir dans notre quotidien, et l’auteur de la photo, le participant, a osé nous la montrer. Ce cliché appelle à la réflexion qui va vraiment au-delà de l’image : une réflexion sur le fléau de la pollution et/ou une réflexion sur l’identité et la catégorie sociale de son propriétaire et/ou une réflexion sur le reste du corps (est-ce la chaussure d’une personne noyée, où est le corps ?), etc. Les questions peuvent être nombreuses et les réponses multiples. Cette photo fait parler car elle touche nos consciences et c’est bien cela, à mon sens, le plus important. 

Comment auriez-vous traité les 2 thèmes ?

Personnellement, j’aurais traité les deux thèmes en restant dans mon style décalé, voire dérangeant.
Pour cela, je serais forcément sorti de la prise de vue dite classique, à la recherche de l’émotion simple/belle, quitte à prendre le risque de déplaire au jury. L’essentiel est justement d’essayer de ne pas faire la photo en pensant quelle plaira au jury, mais plutôt celle qui accrochera leur regard et leur apportera une certaine réflexion qui va au-delà de la photographie.